Un équilibre fragile entre réel et basculement
J’écris depuis ce point fragile où tout bascule. Ce n’est pas un moment de rupture brutale. C’est une sensation qui s’installe, un glissement discret. Ce moment où l’on ne peut plus tout à fait croire à la stabilité du monde, même s’il continue à tourner normalement.
Une narration au service des émotions
Mon style s’inscrit dans un néo-réalisme émotionnel à tension douce. C’est une narration qui préfère les détails aux grands gestes, les non-dits aux cris. Le silence, un regard ou un geste hésitant peut en dire plus qu’un dialogue entier. Avant tout, je cherche à faire ressentir. La compréhension peut venir après, naturellement, une fois que le climat s’est installé.
Les perceptions sensorielles prennent une place centrale. Le lecteur est immergé dans un univers où tout passe par le corps, les sensations, les impressions fugaces. Cette manière d’écrire invite à ralentir, à s’immerger pleinement dans ce que ressentent les personnages.
Des personnages en mouvement intérieur
Les figures que je mets en scène sont rarement stables. Elles doutent, avancent, reculent, puis doutent encore. Parfois, elles sont dépassées par leur propre vie. Ce déséquilibre peut être émotionnel, existentiel, voire sensoriel. Qu’ils évoluent dans un univers ordinaire ou dans une réalité déformée, ces personnages traversent des zones d’ombre qui les transforment.
Prenons un exemple : un personnage marche dans une maison vide. Il écoute les craquements du bois, sent la poussière dans l’air. Il se souvient sans en avoir l’intention. Ce simple moment, banal en apparence, devient chargé de tension. Rien n’est dit ouvertement, mais tout se joue dans la perception.
L’environnement comme protagoniste discret
Dans mes récits, chaque élément du décor a un rôle. La lumière n’éclaire pas, elle pèse. Les odeurs racontent. Les pièces vides parlent d’absence. Les lieux ont une mémoire, une texture émotionnelle. Ils ne sont jamais simplement un décor passif.
Le corps devient aussi un espace de résonance. Il capte, il réagit, il garde les traces de ce qui s’est passé ou de ce qui est en train d’arriver. C’est à travers lui que le lecteur perçoit les failles, les glissements, les tensions invisibles.
Des influences assumées mais discrètes
Si mon point de départ reste un réalisme sensoriel, j’ouvre volontiers la porte à d’autres univers. Le fantastique, par exemple, n’intervient jamais de manière brutale. Il surgit discrètement, à la limite de ce qui est perceptible. Il peut s’agir d’un détail inexplicable, d’une sensation étrange, d’un souvenir qui ne colle pas à la logique.
Je m’inspire aussi du drame psychologique. Quand les émotions deviennent trop lourdes à porter, quand l’invisible finit par peser plus que le visible. Cette tension interne façonne les choix, les trajectoires, les relations.
Explorer les marges du réel
J’aime les lieux qui échappent à la normalité. Les sous-sols, les espaces post-industriels, les endroits organiques. Ils deviennent des terrains d’exploration sensorielle. Ils amplifient l’inconfort, suscitent des interrogations, réveillent des sensations enfouies.
La science-fiction, elle aussi, trouve sa place. Mais elle reste voilée. Elle se manifeste par une faille temporelle, une trace technologique, une fracture dans le cours du réel. Ce n’est jamais central, mais toujours présent en filigrane.
Quand l’horreur s’installe doucement
Je pratique une horreur douce. Elle repose sur des rituels mystérieux, des états modifiés de conscience, une mémoire instable. L’effroi ne vient pas d’un monstre ou d’un cri, mais d’un malaise croissant, d’un détail étrange qui ne trouve pas d’explication.
Cette approche crée un inconfort lent, une étrangeté familière. Elle interroge plus qu’elle ne choque. Le lecteur ne se sent jamais tout à fait en sécurité, même si rien de concret ne le menace directement.
L’écho persistant des récits
Ce qui me touche, ce sont les histoires qui résonnent longtemps. Celles qu’on relit mentalement sans s’en rendre compte. Elles laissent une empreinte. On ne sait plus exactement ce qui était réel ou non, mais on garde le souvenir d’un moment fort, d’un ressenti vrai.
Ce goût de vérité, même dans la fiction la plus étrange, reste mon fil conducteur. Il guide chaque scène, chaque choix narratif. C’est lui qui donne du sens à l’écriture.
Un bon récit n’a pas besoin de tout expliquer. Il doit surtout faire ressentir. La progression doit rester fluide, l’émotion sincère, la tension constante mais jamais forcée.
Les récits qui laissent une trace sont souvent ceux qui avancent à pas feutrés. Ils ne cherchent pas à impressionner, mais à accompagner. À glisser dans la mémoire sans bruit.
Si ces mots vous parlent, si cette approche résonne avec votre manière de ressentir le monde, de le regarder autrement, de l’habiter avec un léger décalage… alors vous êtes au bon endroit. Bienvenue dans mon monde.
Style normal
Claire attendait le bus. Il faisait froid. Elle regardait sa montre toutes les deux minutes. Le bus avait du retard. Elle s’impatientait. Un homme s’est approché d’elle, mais il est resté silencieux. Finalement, le bus est arrivé.
Pourquoi ce texte est dans un style normal :
– Syntaxe simple : phrases courtes, sujet-verbe-complément, aucun effet recherché.
– Aucune subjectivité : l’auteur ne cherche ni à faire ressentir, ni à peindre une atmosphère.
– Pure transmission d’information : on relate des faits comme une suite d’événements.
– Zéro immersion émotionnelle : on reste en surface, tout est dit sans nuance.
Effet : le lecteur comprend ce qu’il se passe, mais il ne ressent rien. C’est un style utilitaire.
Style réaliste
Claire attendait le bus 72 depuis maintenant plus de dix minutes. Le vent soufflait entre les bâtiments, glacial malgré son manteau de laine. Elle sortit son téléphone : 17h41. Le bus aurait dû passer à 17h30. Autour d’elle, quelques passants pressaient le pas. Un homme s’arrêta près d’elle, enfoncé dans son écharpe, les yeux fixés sur la route. Claire soupira. Encore une journée qui finirait en course contre la montre.
Pourquoi ce texte est réaliste :
– Précision concrète : mention du numéro de bus, de l’heure, du téléphone, des vêtements.
– Observation détaillée : on décrit le vent, les gestes, les réactions physiques.
– Temps narratif maîtrisé : alternance d’actions brèves et de descriptions fines.
– Perspective extérieure avec touche intérieure : on reste factuel, mais avec des indices de ressenti (le soupir, la pensée de Claire à la fin).
Effet : le lecteur voit et comprend la scène comme s’il y était. L’écriture donne une impression de réel, d’authenticité.
Style néo-réalisme émotionnel à tension douce
Le froid s’était insinué dans les coutures de son manteau. Claire ne bougeait presque pas, sauf pour jeter un coup d’œil discret à sa montre, puis au bout de la rue, où rien ne venait. L’air semblait suspendu, comme en attente lui aussi. À côté, un homme s’était arrêté. Ils ne s’étaient pas regardés. Mais sa présence, légère, suffisait à déplacer quelque chose dans le silence. Le bus tardait, mais ce n’était plus vraiment le bus qu’elle attendait.
Pourquoi ce texte incarne ton style :
– Écriture sensorielle et diffuse : le froid « s’insinue », l’air « est suspendu », on ne décrit pas : on suggère.
– Narration flottante et intérieure : on entre dans un état, un climat. Peu de faits, beaucoup de non-dits.
– Temporalité ralentie : tout semble au ralenti, suspendu, entre deux instants.
– Ambiguïté volontaire : on parle du bus, mais on comprend qu’il s’agit de plus que cela (attente intérieure, solitude, besoin de présence).
– Le cœur est dans le non-dit : l’émotion est dans l’atmosphère, pas dans les mots directs.
Effet : le lecteur ressent sans qu’on lui dise quoi ressentir. Il entre dans un climat intérieur, une intimité implicite. L’histoire devient une sensation.